Mon scepticisme

Par Mélanie

Le scepticisme pour moi c’est l´art du doute, tout une histoire, tout un art… Savoir que l’on ne sait rien, chercher la vérité, creuser les sujets, construire des points de vue derrière les opinions héritées. Déconstruire tout ce que l’on croyait savoir, se rendre compte que l’on s’est trompée. Développer son esprit critique. Ne jamais être sûre de rien, et si ?

J’ai su lire assez jeune et j’ai très vite compris le pouvoir que ça me donnait dans la compréhension du monde. Je me souviens précisément de ma première extase intellectuelle, si je puis la nommer ainsi. Vers le CE1, j’ai reçu mon premier dictionnaire papier pour enfant, exaltée, j’y ai passé des heures. Naïve que j’étais, je pensais que c’était dans cet objet-ci que résidait la source du savoir. Connaitre tous les mots, les concepts, comprendre le monde, découvrir la vérité, voilà que je vibrais en lisant le plus possible ce nouvel ouvrage. J’ai finalement vite compris que le dictionnaire n’était que les prémisses, chez moi, dans la quête du savoir. J’ai évidemment beaucoup aimé me plonger dans les encyclopédies, sur papier ou cd rom. J’avais ce besoin irrépressible de TOUT vérifier et comprendre.

Alors, je lisais encore et toujours plus, l’intégralité des notices de médicaments, les listes interminables d’ingrédients sur les paquets de nourriture ou les bouteilles de shampoing…

Voilà à peu près comment les choses ont commencé pour moi. A ce point-là il faut que je vous parle un peu de ce que je renvoyais aux autres dans cette quête permanente de compréhension du monde qui m’entourait et cette passion pour mettre du sens sur les mots, sur les concepts.
J’étais assez moquée pour cela, bizarre, voilà j’étais bizarre. Si à cette bizarrerie on ajoute un poil d’esprit de contradiction et un soupçon de condescendance, ça fait un peu un profil qui a du mal à rentrer dans les cases dans lesquelles on veut la mettre.
Pour autant, et je trouve cela assez paradoxale aujourd’hui, j’ai une très mauvaise culture scientifique, j’ai un niveau plus que médiocre en maths, je souffre de dyscalculie, la physique et la chimie ne sont pas trop ma tasse de thé, en bref les sciences dures et moi on n’est pas en très bon terme ! J’ai suivi un cursus littéraire dans lequel je me suis beaucoup plu.

Lors de mon année de terminale, je découvre la philosophie, apprendre à penser, construire sa réflexion, quel programme ! Je découvre avec stupeur que la majorité des philosophes que l’on étudie, si ce n’est tous, viennent de culture scientifique, mathématiciens, physiciens. Cela me perturbe assez, d’autant qu’en France la philosophie et son enseignement sont rattachés à la section littéraire (tant en nombre d’heures par semaine qu’en coefficient au bac).

Je décide après mon bac L d’aller en hypokhâgnes. A ce point de mon récit j’attire votre attention sur le fait que jamais encore on ne m’a parlé de méthode scientifique, ou de consensus scientifique ni même à proprement parlé d’esprit critique. Je ne sais pas encore très bien comment faire la différence entre mes opinions et les faits, tout est encore très emmêlé. Mon prof de philo sur mon dossier d’application en hypokhâgne avait noté « Mélanie est une élève pleine d’opiniâtreté » Tout un programme, persévérance et détermination pour comprendre le monde dans lequel je vis, ce sont des outils plutôt utiles.

Les années passent et je continue de « tout vérifier » comme j’aime le dire. Chaque mot, chaque date, je dévore Wikipédia et les sources de bas de page, je navigue d´un article à un autre, je suis comme une droguée. J´y passe des heures, j’essaye de mettre du sens sur le monde qui m´entoure. Mais le doute n’est jamais loin. Finalement, je sais surtout que je ne sais pas grand-chose. Et tout cela me parait sans fin.

Les années passent encore, me voilà maman pour la première fois. Evidemment, comme tout parent, je veux faire au mieux pour mon enfant, alors je lis beaucoup de livres sur la parentalité. J’aime particulièrement ceux qui se disent « scientifiques » dans ma tête c’est gage de sérieux (j’apprendrais plus tard le concept de cherry picking et que finalement avec une seule étude scientifique on ne peut pas dire grand-chose).

Qu’en est-il de mon scepticisme pendant ces premières années dans ma nouvelle vie de parent ? Eh bien je crois que je me suis un peu perdue. J’ai même fini par laisser ma rationalité de côté. Dans certains cercles que je fréquente je m´entends dire que je réfléchis trop et qu´il faut que je lâche mon mental. « Lâcher son mental » Ça veut dire quoi au fond lâcher son mental ? Arrêter de réfléchir, suivre ses intuitions ou encore laisser d’autres penser à ma place.

Je bascule doucement, mais surement, dans un autre univers, je continue de lire et crois m’informer sur plein de nouveaux sujets. Je deviens antivaccins. Voilà, je l’écris. Ça pique encore de le dire, l’écrire, noir sur blanc. Je décide que ma seconde enfant ne recevra aucun vaccin. Je n’ai plus confiance dans ce que je nomme la science. Mon biais de confirmation fait le reste.  Au fond, je ne comprends rien, pas étonnant quand on y pense, je ne sais pas lire une étude scientifique, encore moins en médecine. Je ne sais toujours pas ce qu’est un consensus scientifique ou la méthode scientifique, et surtout je ne vois pas que la plupart des choses que je lis sur l’anti vaccinisme est tronquée, coupée, mal interprétée par d’autres comme moi, qui ne savent pas, mais qui ont peur. Car, oui, dans ces groupes, c’est la peur qui règne, et la peur ça ne fait pas très bon ménage avec la rationalité…

Mais malgré tout je doute, et si…  Ce « et si… » il me gratte toujours plus fort à l’intérieur.

Je décide de mettre mes enfants dans une pédagogie connue pour ces dérives sectaires, tout en ayant pris soin de lire les contradicteurs avant et d’être, en partie au moins, d’accord avec eux. Esprit de contradiction vous avez dit. En moi ça commence à bugger de plus en plus, je m´éloigne de certains courants de pensées New Age, oui car voyez-vous je suis athée depuis aussi loin que mes souvenirs remontent je n´ai jamais cru jamais eu la foi, comme on dit, j’ai bien essayé de faire semblant, on est bien d’accord que faire semblant d’avoir la foi ça ne fonctionne pas très bien. Je fais semblant pour me rassurer, tout en ayant une partie de moi qui se dit que c’est ridicule tout ça.  

Je tombe enceinte de mon dernier enfant. Cela fait déjà quelques années que je suis sur des groupes de zététique, que c´est dur de les lire, leur condescendance, leur masculinité toxique aussi, pas de femmes sur ces groupes, que des hommes et l’impression d’être juste une cruche qui n´a rien compris, beaucoup de mots nouveaux, de concepts qui me sont complètement étrangers. Je lis tous les échanges sur le bio, l’homéopathie (à laquelle je n’ai jamais crue), les échanges sur les vaccins sont particulièrement difficiles à lire pour moi, il n’est jamais très aisé de lire qu’on s’est à ce point fourvoyée.

 Ma grossesse donc, les risques de trisomies, les choix qu’on doit faire. Je relis la science brute, c´est difficile pour moi, la littéraire. Je renoue le contact avec des médecins, ceux-là sont patients et pédagogues, ils prennent le temps de m’expliquer, d’échanger avec moi. Ils ne m’infantilisent pas. J´ouvre la porte de la méthode scientifique, enfin, pour de vrai, et je vois, je vois mes errances, la mise en danger de mes enfants, aussi, dans le fait de leur avoir refusé la vaccination. Je me sens un peu bête, un peu groggy, sonnée, ce n’est jamais très confortable d’assumer ses torts, de se tromper, surtout en France où l’erreur est sanctionnée voire stigmatisée.

Pendant les années qui suivent, je relis beaucoup, je réaffute mon esprit critique en somme et je revis. Le mental c’est bon et c’est sain, réfléchir c’est normal et correct, ça nous élève même. Je suis passée par l’emprise et la dérive dans le cadre d’une fausse thérapie avec une usurpatrice. Je panse mes plaies. Je continue de tout vérifier, lire, apprendre, c’est mon moteur. Me poser des questions, douter, creuser un sujet, partager avec d’autres, discuter, échanger, ne pas être d’accord ou l’être. Je suis une sceptique, je sais tout et je ne sais rien, j’apprends à chaque instant et j’apprends à apprendre aussi.

Ce qui reste le plus difficile pour moi aujourd’hui, c’est d’accorder cet art du doute avec mes fortes convictions/opinions politiques. C´est à cet endroit que je lutte beaucoup, notamment dans les sciences humaines et sociales. Je suis du coup très heureuse d’avoir trouvé le groupe zététique féministe, je participe peu dans le sens où je ne commente pas mais je lis tous les échanges comme j’ai pu le faire de nombreuses années sur les groupes zététiques, cela me permet de continuer d’avancer sur le chemin de la connaissance et de la compréhension du monde qui m’entoure.

Mélanie

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