Comment je suis devenue sceptique ?

D’où je parle

Mon père était un homme de gauche, athée, intéressé par la philosophie et les sciences. Ma mère était catholique, 100 % non-pratiquante.

Comme souvent chez les gens de la gauche progressiste, la science a du poids. J’ai grandi avec cette idée que la science c’est important, c’est sérieux, c’est la vérité et qu’on doit lui faire confiance. J’ai aussi grandi avec l’idée que les choses doivent être « scientifiquement prouvé » ! On ne badine avec la science.

Néanmoins, ni dans ma famille, ni à l’école, ni au collège, ni au lycée, ni en IUT, ni en DU, je n’ai appris que la science avait une méthode, que la science n’est pas prescriptive, qu’une étude isolée, même publiée dans le journal Le Monde, ne prouve rien à elle seule, que parfois des études sont publiées alors que leur méthodologie est biaisée, etc.

Tout cela je ne l’ai jamais appris durant mon cursus scolaire. Et ma famille, toute attachée à la science qu’elle était, ne me l’a jamais appris, sans doute parce qu’elle ne le savait pas non plus.

En terre alsaco-eco-bio-spirituelle

Me voilà donc partie dans la vie, athée, cartésienne, sceptique dans l’âme et en quête de validité scientifique sur un certain nombre de sujets. Mes signaux d’alerte face aux dérives sectaires s’allumaient relativement intuitivement quand on me parlait spiritualité, médecines alternatives, école Steiner… jusqu’à ce que je m’installe dans cette région de France où la religion est enseignée à l’école publique, où chaque village possède deux clochers, où des politiques vous demande avec le plus grand naturel à la fin d’une réunion de travail « vous êtes catholique/protestante/juive ? » C’est un peu comme si ma fenêtre d’Overton personnelle s’élargissait.

Puis, j’ai rencontré l’écologie et le monde des écolos-bio, des alternatifs, des do-it-yourself, des « t’es trop dans le mental », des anti-vax, des « c’est naturel », des « le bio c’est ce qu’il y a de meilleur », des « demande à l’Univers », des remèdes naturels, des soins énergétiques, des chakras, des vies antérieures, des enfants indigos, de la spiritualité New Age, des fleurs de Bach, etc.

Et je me suis laissée prendre au jeu, petit à petit, imperceptiblement. Oh pas sur tous les sujets. Certains discours m’ont toujours paru surprenants, sans fondement ou vide de sens et n’ont jamais réussi à me convaincre. C’est le cas du fameux « tu es trop dans le mental » ou encore du féminin et du masculin sacrés présents en chaque être humain.

Sur d’autres sujets, je me disais que c’était simplement du bon sens comme pour le bio. Le bio c’est forcément mieux, meilleur au goût et à la santé. Bah oui puisque c’est cultivé ou élevé dans le respect de la nature. CQFD.

Sur d’autres sujets encore, mon goût pour la science, mon goût pour apprendre et comprendre, m’a conduit à chercher de l’information. J’ai exercé l’art du doute, j’ai exercé mon esprit critique.

Concernant la vaccination par exemple. J’ai douté. J’ai douté de la pertinence de la vaccination. Je me suis documentée sans jamais parvenir à trancher ni pour, ni contre. Alors dans le doute, je ne vaccinais plus. Pour autant, je ne tenais pas un discours anti-vax. Mais je ne tenais pas un discours pro-vax non plus. Je disais « je ne sais pas et dans le doute je ne vaccine pas. Quand je saurai, on verra ». Mon beau-père, médecin généraliste, faisait des bonds mais ne parvenait pas à user d’arguments propres à me convaincre de vacciner !

J’aurai voulu trouver un discours objectif, neutre. Mais, je nageais dans un bain de biais de confirmation. Mes recherches orientaient les réponses que je trouvais, les personnes avec qui je passais le plus de temps étaient anti-vax pour la plupart ou se posaient elles aussi des questions et mettaient en suspens le calendrier vaccinal en attendant. Et les quelques pro-vax de mon entourage ne parvenaient pas à me convaincre car elles étaient trop affirmatives, trop tranchées, trop sûr d’elles pour être objectives, neutres et honnêtes ! En réalité, mon état d’esprit ne permettait pas aux pro-vaccination de me convaincre mais je ne faisais pas pour autant confiance aux anti-vax. Je m’étais fourvoyée dans une impasse dont il était impossible de sortir. Mais je n’en avais pas conscience. Je doutais sans méthode.

Ma Découverte du scepticisme

Et puis mon amie Dominique m’a un jour dit qu’elle regardait des vidéos de sceptiques sur Youtube. Elle m’a parlé de certaines chaînes dont Hygiène mentale et La Tronche en Biais. Ce fût la révélation ! J’ai commencé à dévorer leurs vidéos, à découvrir de nouvelles chaînes, je me suis passionnée pour les cours de Richard Monvoisin, les vidéos du Defakator, de Mr Sam et tant d’autres. Puis j’ai élargi mes horizons avec Scilabus, Linguisticae, Méta de choc, Mr Phi, Science 4 all, Horizon Gull, Fouloscopie, et j’en passe, je ne vais pas faire la liste exhaustive du Youtube sceptique et/ou des vulgarisatrices et vulgarisateurs scientifiques.

Maintenant et à venir

Et j’ai alors compris que j’ignorais tout de la méthode scientifique ! Et j’ai conscience que je suis encore très, très loin de tout savoir et de tout comprendre ! Mais je sais maintenant que si j’exerçais effectivement mon esprit critique sur certains sujets comme la vaccination, ma méthode était bancale et biaisée. Mon doute n’était pas méthodique.

Aujourd’hui, je continue de me passionner pour la zététique, l’auto-défense intellectuelle, le scepticisme. J’apprends toujours et encore. Et j’adore ça ! Mes connaissances en la matière sont et seront toujours perfectibles et c’est ce qui me plait. Si ma méthode pour appréhender les choses à changé, si je suis vigilante sur un certain nombre de questions, si j’ose parfois dire ouvertement à mon interlocutrice ou mon interlocuteur que j’ai un doute sur la validité de telle ou telle approche, ça ne m’empêche pas d’avoir autour de moi des personnes que j’aime et apprécie, qui croient à l’homéopathie, au pouvoir des pierres, aux thérapies énergétiques, à l’ostéopathie, à la loi de l’attraction, etc. Et c’est ok ! C’est leur droit. Parfois j’émets un doute ouvertement, parfois j’écoute et je ne dis rien. Et parfois même, je joue le jeu avec, je participe à une activité avec laquelle je ne suis pas 100% en phase. Tant que ça leur fait du bien sans leur faire de mal ou sans faire de mal à d’autres, ça me va. Néanmoins, s’il s’agit de conspirationnisme ou quand des enfants sont directement concernés par les croyances potentiellement dangereuses des adultes, je n’ai plus cette ouverture d’esprit et cette tolérance.

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Ce témoignage parait le 1er mars 2021. Le 2 mars 2021 marquera le premier anniversaire du décès de mon papa. Je lui dédie ce témoignage. Car c’est lui qui m’a donné le goût de la science, le goût d’apprendre et d’oeuvrer pour un monde plus juste.

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